Légèrement amusée, Siam vit passer sur le visage de l'adolescent une expression quelque peu angoissée. Le sourire de la frontalière s'agrandit : son sabre faisait toujours son petit effet, devant quelqu'un qui n'avait pas l'habitude d'en voir un. Pour elle, il n'y avait plus aucun doute possible : ce jeune homme venait d'un autre monde. Les vêtements qu'ils portaient n'auraient pas pu la tromper : il s'agissait à peu de chose près de ce que portaient bon nombre de jeunes dans les rues de Paris, la seule fois où elle y avait mis les pieds. La stupeur du jeune homme lui apporta une certitude : elle en savait d'avantage que lui sur la situation. Lorsqu'il prit la parole, sa voix tremblait quelque peu, ce qui augmenta l'amusement de Siam. Cependant, celle-ci tiqua très vite : le mot de "maison" ne lui convenait pas. Cet endroit semblait être plus grand que la Citadelle !

- Une maison, ça ?

Elle avait pris un ton narquois et, sans même s'en rendre compte, avait fait un pas en avant, son sabre toujours dirigé vers l'adolescent.

- J'appellerai plutôt cet endroit un labyrinthe. maugréa-t-elle.

De ce que disait le garçon, elle retint qu'il ne parvenait pas à comprendre d'où elle pouvait bien venir. Il était également terrifié par le sabre. Elle le fixa droit dans les yeux. Longuement. La peur était certes présente, mais pas uniquement. Ce jeune homme ne manquait apparemment pas de courage. Il semblait plein de volonté et, malgré sa fatigue, peu désireux de se laisser abattre sans s'être défendu auparavant. De plus, Siam se savait capable de se défendre : elle abaissa donc son sabre, le tenant toujours fermement. Le mot gamin la fit également sourire et elle ajouta d'un ton plus léger :

- Je crois que nous savons aussi bien l'un que l'autre que tu as plus de résistance qu'un simple gamin. Inutile de le nier, cela se voit. Écoutes, je suis coincée dans ce que tu appelle une maison qui me semble à moi bien trop grande pour qu'on la nomme ainsi, et toi, tu y cherche une amie. Nous pourrions peut être faire un bout de chemin ensemble ?

La frontalière se doutait que le regard du garçon partait par moments en direction de son sabre. Elle eut un petit sourire : depuis le début, elle était sure qu'elle n'aurait pas à faire de mal à ce jeune homme qui lui paraissait plutôt sympathique.

- Ne t'en fais pas, je suis capable de garder mon sabre tranquille. Je ne te ferai rien.

Elle n'ajouta pas que la seule condition était qu'il ne lui fasse rien non plus : il devait l'avoir saisi. Siam avait l'apparence d'une guerrière, le sang d'une quelconque bête tuée en Gwendalavir tachait sa tunique de cuir : elle n'avait pas un air des plus engageants.